K. EN EAUX TROUBLES (2014)
K. EN EAUX TROUBLES (2014)
Le jour du drame, Madou s’en souvenait, elle aurait voulu que les pêcheurs de l’île massacrent tous les requins qui patrouillaient au large de la côte ouest, que les maîtres-nageurs sauveteurs n’abandonnent pas leurs recherches, que l’hélicoptère survole la passe de L’Ermitage, puis elle s’était retirée dans sa chambre, refusant de regarder les informations à la télévision, tant les mots et les images la rendaient malade. Une nausée montait si soudainement du fond de sa gorge qu’elle éclatait en sanglots, toute désorientée et toute hargne, parce qu’elle n’avait pu rient tenter pour secourir Bruno qui, dans le tourbillon d’eau et d’écume, s’était débattu, avait suffoqué et crié  au secours sans que personne ne vînt lui tendre une bouée de sauvetage. Et Madou, les sourcils froncés, effondrée, soumise à la terreur, avait mêlé ses larmes aux larmes de Laura qu’elle serrait contre elle, toutes deux hoquetaient de chagrin tandis que Nicolas, le téléphone portable à la main, communiquait sans arrêt avec le capitaine de la gendarmerie (chapitre 1, p. 57).

EN EAUX TROUBLES : POINTS DE VUE DE...

23 10 2014
Pourtant ce roman m'a profondément intrigué, non pas à cause de son scénario tragique mais sur le travail d'écrivain. Comment peut-il construire dans sa tête une analyse aussi fouillée de la conscience en détresse d'une mère désarçonnée par le malheur ? car ce roman n'est que cela : analyse des états d'âme de l'héroïne, analyse de la conscience de son ex qu'elle scrute à travers ses comportements et lui, en miroir, se met à fouiller les méandres de l'âme de sa compagne de naguère. J'y vois un travail d'orfèvre: on admire l'œuvre sans comprendre comment la réalisation a été rendue possible. Je pense aussi à ces petits bijoux chinois, ces boules d'ivoire finement sculptées qui roulent l'une dans l'autre de façon si mystérieuse. C'est la  même architecture dans ta construction romanesque: tout se combine, s'imbrique, se conjugue. L'espoir, le désespoir, l'abattement, la dislocation, le sursaut s'enfuient, se coursent et se fuient dans une spirale sans cesse recommencée qui ne peut laisser aucun repos à l'héroïne. On n'attend effectivement aucune fin puisque la rédemption ne peut-être attendue d'aucun horizon. Et moi, lecteur profane, je reste sur ma faim; je ne parviens pas à comprendre comment le miracle de l'écriture peut synthétiser tout cela. Cela dit, c'est une lecture attentive et concentrée qui est requise. On ne lit pas cela dans la foulée comme un polar de kiosque de gare.
Georges Morgeau

10 12 2014
Ecrivain à part entière, entièrement à part ! J'ai, malgré son élocution difficile, écouté avec beaucoup d'attention le discours de P. Modiano en Suède ! Miracle ce jour, précisément, il a fini ses phrases ! Ce fut donc pour moi, comme pour beaucoup d'autres, un réel plaisir. Comme j'eus aimé être à tes côtés afin d'en discuter. Il a dit tant de choses, belles et vraies ! Pour ce soir, je ne te parlerai que de son affirmation comme quoi, un écrivain est voyant, visionnaire ! Ouah ! comment cela ! Eh bien, c'est ton cas dans En Eaux troubles. Tout être humain qui voit mourir son enfant, est très secoué ! Pour autant, cela est mille fois plus dur pour une mère. Pendant neuf mois, les rapports entre elle et son enfant sont uniques. Ils relèvent de la plus Grande Beauté du Monde ! C'est pourquoi, je me suis demandé, comment tu avais pu raconter l'épreuve de cette mère avec autant de justesse et de cruauté ! Oui, Nicole et moi-même, en avons beaucoup parlé et avec notre expérience, hélas, nous nous sommes demandé comment tu avais pu trouver les mots justes pour décrire les "états d'âme" que toute mère peut avoir dans ces durs moments.
Michelle